Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toire d’un tailleur[1] : « Il avait lutté vaillamment et refusé jusqu’au bout d’employer des Asiatiques, mais les affaires s’en allaient. Beaucoup de Blancs aisés donnaient leur clientèle à des Asiatiques ou à des Blancs employant des Asiatiques. Les seuls clients qu’il gardait encore étaient quelques Blancs qui essayaient de soutenir les commerçants de leur race, dût-il leur en coûter davantage. La journée pour lui était nulle. Plus bas, dans la même rue, tard dans la soirée, plusieurs boutiques de tailleurs asiatiques étaient en pleine activité. »

Les grandes corporations et les gros marchands restent européens ou américains ; les Jaunes ne triomphent encore que dans les petites industries, dans le tout petit commerce : plus les affaires d’un Blanc sont modestes, plus il hait les Asiatiques. À la longue il se peut qu’avec l’appui d’une clientèle jaune assurée et croissante, avec la pratique de l’association, et l’audace que donne le succès, se forment dans les îles de grandes et riches entreprises d’Asiatiques, telles les puissantes maisons chinoises des Straits Settlements.

Fermiers, artisans et petits commerçants d’Amérique sentent que, dans la lutte économique, fatalement ils sont battus, non qu’ils soient inférieurs en habileté technique ou en instinct commercial, mais simplement parce que leurs concurrents ont un mode et un idéal de vie plus modeste que le leur : là contre que peuvent-ils ? Tout de même, Américains, ils réclament, sur cette terre américaine, protection du gouvernement et du pouvoir fédéral. En 1903, une loi

  1. Third report on Hawai, n° 66, Bulletin of the Bureau of Labor, september 1906, Washington.