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du monde ont déposés dans les îles, ou des sans travail de San Francisco ; le climat plus mou, une existence nouvelle les excitent peu au travail ; le voisinage d’Orientaux les démoralise. Un charpentier, qui veut ajuster une planche, a toujours un Jap sous la main à qui il donne l’ordre de scier, de mettre en place, de clouer. Peu à peu, inconsciemment, pour affirmer la supériorité intellectuelle de sa race, il n’exerce plus guère son métier. Il ne se soucie que de conception, de contrôle, de commandement et laisse la partie manuelle aux Asiatiques : cela flatte son orgueil.

Devant ce détachement superbe, l’humilité et l’ambition des Japonais ont la partie belle : ils la gagnent sur ce Blanc paresseux. Aussi, vers les États-Unis, est-ce une procession d’ouvriers qui s’en retournent, aigris à la pensée que sur territoire américain il n’y a pas place pour eux, citoyens américains, parce que des étrangers, économiquement, sont les maîtres.

Un artisan, quand il végète dans les îles, n’a plus qu’à ramasser ses outils et à se rembarquer : tout cela assurément ne va pas sans dépenses et désillusions, mais il en coûte davantage encore au petit marchand que la concurrence du Jap oblige, sous menace de ruine complète, à sacrifier au plus vite son fonds de commerce et à liquider piètrement ses marchandises. Depuis 1900, sans que le nombre des Japonais ait augmenté, le chiffre des licences commerciales qui leur sont accordées monte beaucoup. Le caractère des immigrants japonais change : moins de coolies, plus de petits marchands. Outre la clientèle des Orientaux, ils fournissent les Hawaïens, les Portugais et les moins payés des Blancs. Voici l’his-