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désir témoigné par la Russie[1] de renoncer à beaucoup de ses rêves asiatiques, — rêves sur le Pacifique, rêves coréens, rêves chinois, rêves afghans, thibétains et persans, — et de replier sa grande politique sur l’Europe ? Politique toute contraire à celle que l’Allemagne conseilla naguère aux Russes : des aventures en Extrême-Orient dont l’Allemagne profitait pour prendre Kiao-tchéou ; une abstention en Europe qui débarrassait du péril russe la frontière orientale de l’Allemagne et l’expansion allemande à Constantinople et en Asie mineure.

Comment l’Allemagne ne saisirait-elle pas l’occasion d’un rapprochement politique pour améliorer ses relations commerciales avec les États-Unis, son fournisseur de coton, de cuivre et de pétrole ? La convention douanière qui existait entre les deux pays depuis 1900 a été dénoncée par l’Allemagne en novembre 1905, car elle ne pouvait subsister en présence du nouveau tarif douanier de l’Empire qui

  1. Les Russes, si impopulaires aux États-Unis pendant la guerre contre le Japon, sont dans les meilleures termes avec les Américains depuis le traité de Portsmouth. De Vladivostock à Saint-Pétersbourg, M. Taft, quand il revint des Philippines et du Japon par la Sibérie et la Russie, fut très fêté ; il fut reçu par le Tsar. La Russie n’est pas assez remise de sa défaite et de ses trouble intérieurs pour profiter du différend entre Américains et Japonnais : elle a cédé au Japon sur les règlements de frontières, sur les droits de pêche le long des côtes de la Sibérie, et résiste mollement à la poussée japonaise vers Kharbine, à Vladivostock ; elle parait avoir accepté le traité de Portsmouth et au moins temporairement s’accommoder du quadruple rapprochement souhaité par Tokyo entre les Anglais, les Russes, les Français et les Japonais. Cependant, le gouvernement russe a de grands projets stratégiques en Extrême-Orient : doublement de la voie du transsibérien, construction d’un chemin de fer qui ira de Kertschinsk à Khabarovsk le long de l’Amour, entreprises en Mongolie, construction d’une grande escadre pour le Pacifique.