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d’une vie plus large, a rassuré l’opinion américaine sur les chances qu’avaient les Allemands d’installer une colonie indépendante dans l’Amérique du Sud. Détachés de leur patrie, de leur gouvernement et de leurs ligues pangermaniques, ces Allemands exilés dans les Amériques sont de bons éléments de population. Sobres, patients, travailleurs, disciplinés, très vite assimilés et s’attachant au sol qu’ils cultivent, ce sont des exemples dignes d’être proposés à la mollesse, à la paresse, à l’instabilité des Latins de l’Amérique du Sud. Aux États-Unis, ces Deutsch-Amerikaner sont d’excellents citoyens ; par millions, ils ont contribué à former la nation américaine, à build up the Middle-West ; ils ont vaillamment lutté dans les rangs du Nord anti-esclavagiste et républicain lors de la guerre de Sécession : les Yankees de descendance anglo-saxonne, tout en se gaussant de ces Allemands immigrés, n’en méconnaissent pas les qualités.

Des Allemands d’Allemagne, on n’aime ni l’ambition accapareuse[1], ni la mauvaise foi, ni l’amitié qui

  1. Un article du Journal of Commerce, paru en février 1906, donne le ton moyen de la germanophobie d’alors. Il dénonce « le rôle perturbateur de l’Allemagne parmi les nations, en raison des ambitions mondiales qu’elle nourrit et dont elle cherche la réalisation par des méthodes dont on n’est point certain qu’elles ne mèneront pas à de graves difficultés internationales ou même à la violence ». Se demandant si l’Allemagne ne cherchait pas une grande guerre européenne ou un conflit avec les États-Unis, le journal ajoute : « Il est temps que les gouvernements et les peuples sachent d’une façon un peu définie ce que le turbulent et aventureux empereur d’Allemagne leur prépare. » Le ton violent de ces diatribes indique que le problème allemand a toujours éveillé la curiosité des Américains. L’effort de l’Allemagne pour conquérir la place qui lui revient dans le monde, sa volonté d’expansion qu’exaspère la résistance de ses rivaux déjà pourvus, le rang que les