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Ce n’est pas une invasion de hordes armées, fléau mystérieux dans sa puissance et dans sa marche que les Européens redoutèrent aux temps d’Attila et de Gengis-Khan, c’est une migration de coolies que l’on peut dénombrer année par année, mois par mois, jour par jour, que l’on met soigneusement en fiches, mais qu’il est aussi difficile d’arrêter que les hordes de jadis, tant les lois économiques qui gouvernent ce flux de peuples sont inéluctables. Les moyens modernes de communication donnent à cette avance une grande mobilité, une extrême rapidité. Calmes, civilisés, pacifiques, ils menacent de ruine l’Occidental, non plus par leur force brutale et avide, mais par leur travail intelligent et leurs besoins modérés. Tous ces Asiatiques ne sont pas également à craindre : bien qu’à Bellingham, en septembre 1907, les Américains aient témoigné leur hostilité aux Sikhs, le péril indien ne compte guère pour les États-Unis ou le Canada, comparé au péril chinois ou japonais. Il fait beau voir avec quel sentiment d’impunité l’Amérique maltraite ces Hindous !

Et le péril japonais effraye encore plus que le péril chinois. Tant que le Japon et son émigration ne furent pas en jeu, Américains, Canadiens, Australiens concevaient le péril jaune, non pas à la manière des Européens, comme un péril politique et militaire, mais seulement comme un péril économique et social que des lois d’exclusion devaient suffire à conjurer, en dépit des ruses chinoises. C’est qu’avec la Chine, les Occidentaux pouvaient en prendre à leur aise : les mesures dirigées contre ses nationaux à la demande des Californiens, des Canadiens ou des Australiens, gênaient parfois les gouvernements de