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Or la Chine ne se prête pas docilement et à point nommé à ces desseins. En dépit des belles assurances du Japon, les Chinois ne croient pas à son désintéressement et à son amitié. Le Japonais, quand il s’adresse aux Chinois, insiste sur la parenté de leurs langues, de leurs cultures, de leurs morales, de leurs idéals ; il est toujours prêt à parler au nom des peuples d’Extrême-Orient dont il est « comme la tête », à les défendre contre les convoitises des Blancs, la race ennemie ; mais en Amérique, il fausse compagnie aux Coréens, aux Chinois, et proteste quand les Californiens, le classant parmi les Mongols, l’envoient à l’école spéciale. Aux États-Unis, il n’est plus asiatique, mais occidental de cœur. Dans les protestations du gouvernement, du peuple, des journaux japonais, contre la mesure des écoles et l’antijaponisme en Californie, jamais il n’est question des Chinois : on ne se solidarise pas avec eux ; on n’essaye pas de grossir les griefs japonais de leur cas ; on préfère que les deux revendications restent distinctes : ces Chinois qui n’ont pas la force de se faire écouter, qu’on les relègue à l’école orientale, qu’on les exclue, ce sont des Mongols.

Le gouvernement japonais ne semble pas avoir encouragé le boycottage chinois des marchandises américaines, par crainte, sans doute, que le mouvement exploité par les étudiants et les révolutionnaires ne dégénérât en troubles antidynastiques et antiétrangers, mais par crainte aussi que le boycottage ne réussît à forcer la main aux Américains et qu’une loi américaine n’admît de nouveau les coolies chinois sur la terre américaine où les Japonais, à l’abri de la concurrence asiatique,