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Quelle raison y a-t-il, observent les Japonais, de regarder cette concurrence entre ouvriers jaunes et ouvriers blancs, comme un fait nouveau, extraordinaire et qui réclame des mesures spéciales ? C’est un phénomène naturel et que les Américains devraient accepter tout comme l’on s’incline dans tous les pays de civilisation industrielle devant la lutte entre Blancs non syndiqués et syndiqués : « La concurrence des travailleurs n’existe pas seulement entre les Asiatiques et les Blancs. Ce n’est pas chose rare qu’une violente querelle entre ouvriers jaunes ou entre ouvriers blancs[1]. »

Pourquoi dès lors la haine des ouvriers blancs à l’adresse des Jaunes est-elle différente et plus tenace que l’hostilité des syndiqués américains contre les immigrants européens, non encore syndiqués ? — C’est que les Japonais vendent leur travail à bas prix et qu’ils envahissent les champs d’emploi du travailleur blanc. — Cela est absurde, répliquent les Japonais. N’est-il pas plus vraisemblable que nous cherchions à gagner les plus hauts salaires et que nous nous livrions aux besognes que délaissent les Blancs[2] ?

Au vrai, estime-t-on au Japon, les motifs d’exclusion chez les Américains sont beaucoup moins d’ordre économique que d’ordre politique et sentimental. Les syndicats et leur égoïsme ont lassé les gens sensés de San Francisco. L’heure est mauvaise aux gens de la municipalité qui, à la dévotion de syndicats, ont

  1. Osaka Shimpo, 27 septembre 1907.
  2. Cf. p. 171. Les ouvriers américains répondent : plus l’ouvrier japonais gagnera de hauts salaires plus il sera dangereux, et même s’il entre dans un syndicat, ses besoins restant toujours en deçà des besoins d’un syndiqué blanc, à travail égal ses bénéfices seront plus grands et son pouvoir social plus considérable.