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aux ouvriers indigènes ; les salaires seraient devenus exorbitants, la main-d’œuvre d’une extrême rareté, les grèves innombrables : c’eût été un désastre pour le pays. Les travailleurs blancs seraient les premiers à subir les terribles effets de cette calamité, ils partageraient la détresse des capitalistes et ce ne serait que justice[1].

Génies bienfaisants des terres américaines, qui sans eux resteraient désertes ; génies conciliateurs du capital et du travail blancs, qui sans eux consommeraient leur ruine commune : comment les Japonais n’essaieraient-ils pas de faire entendre raison à cette Amérique que l’orgueil mène à sa perte ?

Ce qui fait la force de leurs prétentions, c’est que l’ouest de l’Amérique, à peine peuplé, est à occuper et que la lutte de classes entre capitalistes et prolétaires y est particulièrement âpre, vu les richesses énormes à exploiter et le manque de bras. Le conflit entre Américains et Japonais est permanent parce qu’en son fonds il repose sur une querelle entre Blancs. C’est la lutte de classes qui en Californie crée la lutte des races. Le coolie a un allié naturel dans le capitaliste blanc et un ennemi naturel dans le Blanc prolétaire. Le défaut de l’adversaire ainsi éprouvé, les Japonais n’ont qu’à patienter : un déterminisme géographique et économique travaille pour eux ; ils se croient sûrs du succès définitif : les capitalistes d’Occident ne sauraient refuser longtemps, pour des raisons sentimentales, d’acheter la main-d’œuvre, là où elle est le meilleur marché, et la plus docile, — en Orient.

  1. Osaka Shimpo, 16 septembre : Le Travail à l’étranger des ouvriers japonais.