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Pour que ce peuple d’insulaires acquière une nature de peuple continental, rien de meilleur que les émigrants et les colons. Si l’on va dans les campagnes des départements de Hiroshima et de Kumamoto (régions d’où part le plus fort contingent d’émigrants), on s’aperçoit que les habitants y possèdent de grands caractères… Les cultivateurs pensent que d’aller travailler à l’étranger, c’est comme s’ils allaient travailler dans un village voisin… Quand les émigrants s’en reviennent, on ne va pas au-devant d’eux en joyeux cortèges, tant émigrer est une affaire banale… Lorsque je rencontre des gens huppés et qui aux courses ont des allures de riches et que je leur demande d’où ils sont, ils me répondent en riant : « Nous avons peiné à l’étranger ; nous y avons acquis une grosse fortune et nous sommes revenus au Japon. » En causant quelques instants avec eux, je suis étonné par la grandeur de leur caractère et la largeur de leurs vues. Ce sont des citoyens de grands pays continentaux non plus des citoyens de petites îles. Rentrés au Japon, ils installent chez eux des poêles, des lits. Ayant rassemblé leurs amis du voisinage, ils leur font sentir que leurs demeures évoquent l’image des richesses et de la civilisation étrangères et leur font comprendre qu’ils viennent de remporter une grande victoire à l’étranger. Leurs ambitions sont grandes ; ils rêvent de grandes entreprises. Il est évident que nombreux sont les avantages de l’émigration pour l’éducation du peuple. Les idées qu’il en retire sont supérieures à celles qu’il reçoit des journalistes et des pédagogues[1].

L’émigration est donc de mode. C’est à qui en louera les bienfaits pour le pays et les individus : richesses, prestige, influences et belles manières. L’intérêt et la vanité y poussent, mais ils poussent surtout à l’émigration vers les Amériques.

  1. Le Présent et l’Avenir de nos entreprises d’émigration, par Iwamoto Zenji.