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se répandre dans le monde, y faire figure, tenir le rang qui correspond à la volonté de puissance du peuple entier : au contraire du Chinois qui, sans appui de son gouvernement, groupé par guilde, par ville ou par région s’en va travailler et trafiquer partout où l’étranger l’accueille, le coolie et le commerçant japonais suivent le drapeau du Japon. C’est un empire militaire, très centralisé, qui, après le coup de force de ses armées et de ses flottes, lance méthodiquement des marchands et des travailleurs pour exploiter le prestige de sa victoire, — mobilisation et manœuvre à l’allemande : soldats en tête, placiers, banquiers et manœuvres derrière, chacun à son rang, soumis à l’impulsion centrale.

De la guerre contre la Russie, le Japon a gardé non seulement un appétit de conquête en Corée et en Mandchourie où le poussent ses traditions et aussi sa population agricole et commerçante, mais encore envers les Américains un sentiment de rancune et de rivalité. En 1905, les ambitions du Japon furent bridées à Portsmouth par les États-Unis, comme elles l’avaient été en 1895 à Simonoseki par l’Europe continentale. De ces deux victoires le Japon sort avec une passion de revanche contre les tiers qui s’entremirent pour limiter ses gains : contre la Russie, le Japon dix années durant, prépara la guerre ; contre les États-Unis il dirige la croisade de ses émigrants. Nous n’avions jamais été aussi victorieux, dit le baron Shibusawa, le Rockfeller du Japon et nous ne reçûmes pas un centime d’indemnité. Nous occupions toute l’île de Sakhaline ; nous fûmes obligés d’en rendre la moitié, la nation perdit courage… Aujourd’hui l’ancienne fièvre d’expansion