Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

janvier 1907 un recensement annonçait 100 000 Japonais en Corée sans compter les troupes ni les fonctionnaires. En Mandchourie, où ils pénètrent par Niou-tchouang, Dalny, le Yalou, ils s’installent à Liaoyang, Hsimintoun, Thieling et Moukden : en 1906 on estimait leur nombre à 35 000.

De Simonoseki à Fusan, les émigrants passent au large de Tsoushima ; de Fusan à Séoul et au Yalou, ils suivent, en chemin de fer, les étapes parcourues au XVIe siècle par les soldats de Hideyoshi, refaites en 1894 par les armées japonaises lors de la guerre contre le Chinois, et de nouveau en 1904-1905, quand elles marchaient contre le Russe. Le Yalou franchi, ils gagnent Liaoyang, le Chaho, Moukden… Au long de cette voie triomphale du Japon moderne qui prolonge le Tôkaidô, route glorieuse du Vieux Japon, quel attrait pour ces émigrants en quête de flâneries, de curiosités, d’aventures, que ce pèlerinage où s’exalte leur orgueil national ! Chemin faisant, sur des cartes piquées de petits drapeaux, ces excursionnistes patriotes repèrent les victoires de leurs armées, puis, entre eux, les commentent et les miment. Dans les villes et aux stations du chemin de fer, où leurs colonies s’établissent, ils retrouvent des maisons japonaises qui enserrent et étouffent les villages coréens, et encore des drapeaux japonais, des fêtes japonaises.

Loin de la férule métropolitaine, ces Japonais du peuple, si brutaux dès qu’ils échappent à l’emprise civilisatrice de leurs paysages et de leur police, trouvent en Corée une race à traiter en esclave et, pour le dernier des coolies, c’est une détente de pouvoir impunément bousculer, rosser ou insulter notables et officiels coréens. Au surplus, de bonnes rizières à prendre