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travail domestique, il est de l’intérêt du gouvernement de la diriger sur la Corée et sur la Mandchourie du sud, car protectorat et influence du Japon n’y deviendront réels que si une nombreuse population de ses nationaux s’y fixe. Après la terrible saignée faite par la guerre, ce n’est pas le moment d’éparpiller cette force d’émigration. Tel était, dès 1905, le sens des déclarations de M. Durham White Stevens, choisi par le Japon pour être le conseiller de l’empereur de Corée[1] :

Le Japon désire entreprendre le développement de la Corée et de la Mandchourie pour en tirer les matières premières à demi manufacturées ou y déverser le surplus de sa population, et acquérir en cette partie du monde une influence dominante. Aussi poussera-t-on les Japonais à émigrer en ces pays, au lieu d’aller aux États-Unis. Mr. Stevens déclare que le Japon accepterait des États-Unis toute mesure décourageant l’immigration japonaise, pourvu que cela fût fait de manière qui n’offensât pas le Japon et ne touchât pas à sa dignité.

Les départs pour la Corée et la Mandchourie sont populaires[2] : le voyage est trop aisé et trop peu coûteux pour que l’on s’en aille sans esprit de retour. Chaque soir, depuis deux ans, par centaines, les Japonais se sont embarqués à Simonoseki ; d’après les statistiques des compagnies de navigation, il faudrait évaluer à 300 000 les émigrants partis pour la Corée en une année et demie, mais ce chiffre est exagéré : en

  1. Monthly consular and trade reports, September 1905, n° 300, p. 121.
  2. L’émigration vers l’Hokkaïdo, qui jadis échoua malgré les encouragements officiels, a repris depuis que le sud de Sakkhaline est japonais : les pêcheurs japonais se hâtent de profiter de leurs nouveaux droits de pêche sur les côtes sibériennes.