Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

achevé leurs études dans les universités californiennes et qu’ils rentrent au Japon, à peine peuvent-ils prétendre à la place d’interprète dans un hôtel pour étrangers[1]… Sur la terre du Nouveau Japon, il n’y a pas de gens plus gênants que les demi-étudiants. La plupart sont venus aux États-Unis par caprice. S’ils veulent faire leurs études, ils n’ont pas assez d’argent. S’ils désirent travailler, leur corps se refuse aux besognes pénibles. Ils n’ont ni l’endurance ni l’énergie nécessaires pour entreprendre des travaux difficiles ; ils tombent dans un désespoir sans issue ; les jeunes gens d’avenir deviennent d’incorrigibles joueurs. La réputation des Japonais est ainsi avilie par des gens ayant de l’instruction[2].

Les semi-étudiants, même au Japon, forment la partie la moins intéressante de la population. À peine adolescents, les voilà orgueilleux, turbulents, infaillibles, qui tranchent sur tout. Ouvertement ils méprisent les Européens et la civilisation occidentale, qu’ils travaillent pourtant à acquérir ; ils se mettent en grève et se révoltent contre leurs maîtres, posent des conditions aux officiels qui les dirigent, sont difficiles à manier et à contenir. Comment au loin, livrés à eux-mêmes, pourraient-ils faire grand honneur au Japon ?

Plus généralement, c’est un fait, depuis longtemps constaté, que le Japonais du commun ne s’améliore pas quand il vit hors de son pays. Sitôt qu’à l’étranger il est affranchi de la stricte discipline de la famille et de l’État japonais, sitôt qu’il ne vit plus dans ses îles et que les paysages évocateurs de tout le passé de sa race ne lui parlent plus, ne l’encadrent plus, il s’éman-

  1. N’allez pas en Amérique, par Inouye Keijiro.
  2. Shinkoron. Réponse à des jeunes gens qui désirent aller en Amérique.