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pages que l’on est obligé de consigner, tant ils montrent de dispositions à s’esquiver ; des espions japonais partout : domestiques que l’on surprend sur les cuirassés à noter le système régulateur des feux d’artillerie, envoyés secrets qui achètent les plans de mobilisation ; enfin, après la fièvre et les quelques déceptions des préparatifs, l’apothéose : la baie d’aspect formidable, spectacle sans précédent dans l’histoire des États-Unis, même en temps de guerre ; sous le soleil, les 16 cuirassés peints en blanc, décorés du grand pavois ; le pavillon de l’amiral Evans, de fighting Bob flottant au mât du Connecticut ; les états-majors qui viennent saluer le Président, puis à toute vitesse, au son des musiques, aux tonnerres des salves alternées des batteries de terre et des navires, l’escadre, panachée de fumée, s’élançant sans souci des conséquences de sa croisière : quel sujet d’orgueil pour le cœur patriote et l’imagination alerte de Mr. Dooley[1] !

  1. Malgré les espions japonais, qui, disait-on, pullulaient sur les côtes sud-américaines, malgré les mines flottantes qu’ils avaient déposées dans le détroit de Magellan et leur vaisseau-fantôme, le Kasato-Maru qu’on aurait vu patrouiller le long des côtes du Chili, l’attaque que les autorités de Washington redoutèrent de la part de la « nation qui a la réputation de frapper d’abord et de déclarer la guerre ensuite » ne se produisit pas et la flotte admirée, fêtée aux escales brésilienne, argentine, chilienne et péruvienne, poursuivit sa route sans incidents. Cette croisière a pris le caractère d’une démonstration panaméricaine. « N’avait-elle pas surtout pour but, a déclaré M. Takahira, ambassadeur du Japon à Washington, d’impressionner les républiques sud-américaines par le spectacle de la puissance maritime des États-Unis ? » Et les journaux américains ont remarqué qu’elle complétait l’oeuvre du Congrès panaméricain de Rio-de-Janeiro et du voyage du secrétaire d’État Root. Des télégrammes cordiaux ont été échangés entre les présidents du Brésil et du Pérou et le président Roose-