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journaux américains se sont hâtés de triompher : à les entendre, la seule menace de l’envoi de la flotte aurait suffi à mettre ces Samuraïs à la raison. Conclusion un peu hâtive, pour qui connaît les Japonais, leur dissimulation souriante, la soumission de toutes les classes aux ordres du gouvernement : même s’ils croient la guerre fatale, leur souci de ne pas paraître la souhaiter est aussi vraisemblable que la résignation ; dans un article du Taiyo, où il se moque de l’idée d’une guerre, le Dr. S. Nakamura n’hésite pas à prédire en terminant qu’au cas où la guerre malheureusement éclaterait, le Japon serait le vainqueur.

Cet avantage de diriger la presse et l’opinion à son gré, le gouvernement américain ne l’eut jamais. Développé peu à peu par les déclarations belliqueuses des représentants et sénateurs de Californie, par les interviews de révérends missionnaires, qui au débarqué avertissaient leurs compatriotes des préparatifs du Japon, par les fausses nouvelles, — le capitaine R. P. Hobson, le héros de Santiago de Cuba, disait avoir vu l’ultimatum du Japon, — l’excitement fut à son comble en juillet quand il fut certain que la flotte américaine partirait. Ce fut à qui se féliciterait de cette flotte, presque neuve, à qui parlerait de la renforcer et, comme de juste, de faire mieux en turbines et canons que les Anglais avec leur Dreadnought.

Mr. Dooley[1], le Tartarin de Chicago, s’est réveillé un beau matin. Manchettes sanglantes en tête des

  1. Cf. Mr. Dooley in peace and in war. Mr. Dooley, le jingoïste hâbleur d’origine irlandaise, est un type populaire aux États-Unis depuis la guerre contre l’Espagne.