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dans le Pacifique, car la guerre est inévitable et il faut être prêt. » — « Si vous faites partir la flotte, la guerre devient inévitable : c’est une provocation, une mesure d’agression. » Dans les deux thèses, envoi de la flotte et guerre furent termes toujours liés.

En février 1907, à une délégation de San Francisco, le président Roosevelt laissait entendre que si la réintégration des Japonais, exclus des public-schools, n’était pas accordée, une guerre avec le Japon était à craindre : « Pourquoi n’envoyez-vous pas la flotte ? demandèrent les Californiens. — Cet envoi précipiterait la guerre », répliqua le Président. Il faut donc croire que des raisons très graves — attitude du Japon dans les négociations pour réglementer l’émigration ; absence de tout effort de Tôkyô pour arrêter les départs des coolies vers les pays adjacents des États-Unis — ont imposé en juillet 1907 au président Roosevelt cette mesure extrême qu’il repoussait en février ; mais n’est-il pas à craindre que les représentants de l’Ouest au Congrès ne demandent avec un renouveau de fermeté des lois d’exclusion contre les Japonais, que les ligues antiasiatiques, encouragées par cet envoi de la flotte, ne rouvrent une campagne de meetings et de pétitions, agréable aux Blancs sans travail et que les agitateurs de San Francisco ne profitent de la présence de milliers de marins pour reprendre leurs manifestations antijaponaises ?

À Washington, le monde officiel — sauf les marins — ne croit pas à la guerre : Japonais et Américains, de si bons amis ! Mais on agit comme si l’on croyait qu’on est à la merci d’un incident et qu’il ne faudrait pas, pris au dépourvu, comme jadis la Chine ou naguère la Russie, laisser aux Japonais le choix du