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demeure du Japon, à la suite de mesures ou de mouvements antijaponais analogues à ceux de San Francisco ou de Vancouver ? Ce que le Japon n’a pas toléré d’un pays de 85 millions d’habitants, il le tolérera encore moins du Pérou ou du Chili.

Si donc telle est la volonté du Japon, personne ne peut empêcher que ne se pose dans l’Amérique du Sud la question de sphère d’influence, de Shin Nihon, à quoi paraît devoir aboutir en tout pays l’immigration japonaise. Personne, sauf les Américains du Nord ; car, supposons que les Japonais réussissent un jour à former un Shin Nihon au Pérou : les États-Unis se sentiront presque aussi menacés et lésés que si les Japonais y avaient réussi en Californie. Plus simplement, qu’un conflit entre le Japon et quelque république sud-américaine menace de se terminer par une occupation même temporaire d’une portion de territoire américain par le Japon : l’opinion aux État-Unis, lors du différend anglo-vénézuélien sous le président Cleveland, ou plus récemment lors du blocus du Vénézuéla par l’Angleterre et l’Allemagne, les craintes que lui a toujours inspirées le Deutschtum au Brésil ne permettent point de douter que les Américains interdiront aux Japonais ce qu’ils ont toujours interdit aux Européens.

En vain fera-t-on remarquer que le cas n’est pas exactement le même : s’adressant à l’Europe, les États-Unis justifient la doctrine de Monroe par leur non-intervention en ses affaires ; à l’égard du Japon comme de la Chine, il n’y a plus la même réciprocité, car, posséder les Philippines au-devant de la côte chinoise et près de Formose, c’est un peu comme si les Américains avaient acquis de l’Espagne les Cana-