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ralisant peut-être chez les Extrême-Orientaux, quels changements dans l’économie du monde ces migrations de Japonais ne détermineront-elles pas un jour !

La question ouvrière dans l’État brésilien de São Paulo présente de curieuses analogies avec le problème de la main-d’œuvre aux îles Hawaï. Ici le sucre, là le café, deux cultures maîtresses du sol, qui ne tolèrent de rivale qu’autant qu’elle est strictement indispensable à la subsistance de leurs serfs ; un régime de grandes propriétés, de vastes plantations possédées par de riches indigènes, Hawaïens et Paulistes, aristocrates jaloux de leur terre, et qui empêchent que ne se forme dans leurs deux pays une classe de petits propriétaires, attachée au sol et disposée à se naturaliser. Mêmes épisodes dans l’histoire de la formation artificielle d’une main-d’œuvre : aussitôt après la suppression du travail servile, aux Hawaï les indigènes, à São Paulo les Nègres se détournent de l’agriculture, courent aux villes, et s’éteignent petit à petit ; les planteurs et l’État des deux pays subventionnent une immigration d’étrangers, et un peuple réussit à dominer le marché du travail : aux Hawaï, les Japonais, à São Paulo, les Italiens. Mêmes qualités et mêmes défauts chez ces prolétaires ruraux : d’une part, les Italiens et les Japonais sont des agriculteurs habiles, soigneux, durs au travail, disposés à accepter la situation d’ouvriers salariés, assez peu désireux de se fixer dans le pays, d’y acquérir de la terre et d’y vivre en petits propriétaires indépendants ; ils ont le goût de la vie en communautés, l’habitude du travail en famille ou en association, chaque groupe se chargeant de l’entretien de milliers