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Et puis ce Japonais paraît si peu sûr de lui ! L’Américain, lui, est certain que dans son pays il n’est rien qui ne soit the best in the world. Le Chinois, mandarin égaré chez les Barbares, est tellement convaincu de l’excellence de sa race qu’il ne s’inquiète guère des « diables » étrangers et reste impassible sous les quolibets. Certes les Japonais, eux aussi, sont persuadés de leur supériorité, mais leur conviction n’est guère impassible. Toujours inquiets que cette supériorité ne soit pas assez reconnue, ils vont devant un étranger jusqu’à s’humilier par orgueil. Un amour-propre maladif, la crainte qu’on ne les traite pas avec tous les égards qu’ils souhaitent, joints à la peur que la couleur de leur peau et leur faible stature n’excitent le rire, — tout conspire à les isoler, à les raidir : arrogants et brutaux ou trop aimables, au total rarement assez maîtres de soi ni assez détendus pour attirer la sympathie.

Ne parlez pas à un Japonais de la beauté de son pays et de son art, du charme de ses vieilles mœurs et de sa vie simple d’autrefois ; ne lui vantez pas la nudité artistique de sa demeure ni la séduction de ses geishas, toutes choses qu’il aime tenacement, profondément et qu’il regrette à l’étranger. Le voilà gêné et qui ricane en s’excusant : il croit que vous vous moquez, que vous le louez de son passé pour n’avoir pas à lui parler de son présent ou de son avenir. Ses jardins japonais, ses maisons de bois, c’est trop petit, trop simple de style, trop pauvre de matériaux, trop modeste et trop périssable pour plaire vraiment à un Occidental qui construit d’énormes palais de blocs de pierre. L’amour du sol japo-