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la bonne opinion qu’il a de ses capacités, respecte infiniment la valeur de son travail et exige sans plus le plus haut salaire. C’est un homme libre. Le Japonais entre en saluant trop bas, sollicite trop humblement qu’on le prenne au pair, qu’on lui fasse le grand honneur de le laisser regarder, imiter. Il n’est pas d’humble métier qui le rebute, celui qu’on lui offre lui ira très bien ; le plus petit est encore à sa taille. Tout le monde connaît aux États-Unis l’anecdote si souvent contée d’un officier de marine américain retrouvant aux Philippines, comme commandant d’un navire de guerre japonais, un boy qu’il avait jadis gardé longtemps au mess de son bord. Le fils d’un Samuraï n’hésite pas à s’engager comme domestique à Yokohama ou aux États-Unis : on l’appellera John. En Amérique, les Blancs se refusent à servir comme domestiques ; à plus forte raison, ils s’y refusent à l’étranger, chez des étrangers.

Le Japonais reste silencieux, mystérieux, souriant. Sauf les officiels, il n’est jamais tout à fait à son rang ou à sa taille à l’étranger. Ce ne sont pas là les manières américaines : dans la lutte internationale, ce n’est pas fair play. Un des plus gros griefs que les Américains, — président Roosevelt, secrétaire d’État Hay ou homme de la rue — firent au Russe lors de la guerre russo-japonaise, ce fut sa duplicité, son art du mensonge, sa politique du secret. Or le Japonais vit sur une réputation d’espion incomparable, qui a fait ses preuves en Chine et Mandchourie. L’Américain le voit partout furetant, enquêtant aux Hawaï, aux Philippines, en Californie, si bien qu’avec toute leur civilisation raffinée, les Japonais ne peuvent faire qu’ils ne lui apparaissent comme des Asiatiques !