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tous, chez eux ils troquent avec joie leurs jaquettes, pantalons et souliers trop ajustés pour le kimono et les savates plus lâches, comme ils conservent leur régime, dépensent peu, vivent groupés et serrent de près en tous métiers leurs concurrents américains, leur habit occidental ne paraît aux Américains qu’hypocrisie espionneuse, prétentieuse, dont il faut se méfier plus que de la queue et de la tunique qui, honnêtement, de très loin signalent le Chinois. Comment prendre à la lettre leurs protestations d’enthousiasme pour la civilisation des États-Unis, quand on sait que la vie japonaise est un paravent à deux faces ? D’un côté, chemins de fer, téléphones, usines, trams électriques, sous-officiers à la manœuvre, savants à lunettes penchés sur un microscope ; de l’autre, un jardin japonais, des banzai pour le Grand Japon, de petits vers au Mikado et aux fleurs, des cha-jin admirant la lune.

Qu’est-ce que ces manières des Japonais de s’humilier, de ne pas regarder en face, de se déguiser pour n’être pas reconnus ? Un Américain, un typical western man — le type d’homme précisément qui est en rapport avec les Japonais — c’est un homme très sociable, familier avec les étrangers quoiqu’ils ne soient pas ses égaux, et qui met tout le monde à l’aise en prenant ses aises. Il ne veut pas qu’on l’oublie, il tient à ce qu’on l’appelle par son nom avec toutes les initiales de ses prénoms, et non pas John tout court, comme lui-même appelle indistinctement tous les Chinois. Il parle haut, rit fort, bombe, se hausse, exige qu’on le traite à son rang, plutôt un peu au-dessus, joue franc jeu, pense à haute voix, défend sans modestie sa chance, avoue