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traités en ennemis de la société. Comme la plupart entrent en fraude et que les commissions d’immigration ne l’ignorent point, on les tient tous pour des fraudeurs qui s’obstinent à ne pas avouer. À peine débarqués, ceux dont le cas n’est pas immédiatement clair, sont empilés dans des salles grillées et cadenassées. Coolies aux mains calleuses, riches notables aux doigts longs et pâles comme du jade, sont serrés pêle-mêle dans des pièces où il n’y a ni place ni air. Jusqu’au plafond montent les cases où ils couchent, et des couchettes supérieures, pendent de longues queues lisses.

Déjà, par cette infortune initiale, entre ces Chinois de toutes classes, l’esprit de clan est resserré. Ils comparaissent ensuite devant la commission d’enquête. On les somme de se justifier ; ils ont à prouver qu’ils appartiennent aux classes des marchands, des fonctionnaires et des étudiants qui ont l’entrée libre. Pour la plupart, ce sont des coolies, qui, malgré l’acte d’exclusion, essayent de pénétrer, tant l’attrait des libertés et des salaires d’Amérique est grand sur ces miséreux pressurés par le mandarin : ils essayent de se dire marchands ou étudiants. Malheur à eux si l’on remarque leurs guenilles et les traces de corne que garde la paume de leurs mains ! Le plus souvent ils tâchent d’éviter les ports, où la surveillance est trop stricte. Jusqu’à ces toutes dernières années ils entraient par le Canada, où pendant quatre-vingt-dix jours ils étaient exemptés de payer le droit de 100 dollars ; à Montréal, un ring de Chinois organisait cette importation de coolies.

La frontière américo-canadienne, sur des milliers de milles, est sans obstacles naturels : les Chinois