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Japonais non syndiqué et un Américain syndiqué il y a un plus grand écart qu’entre n’importe quel Blanc non syndiqué et un autre Blanc syndiqué. Le syndiqué blanc, qu’il soit américain, australien ou européen est à peu près le même sous toutes les latitudes, mais réciproquement la qualité de non-syndiqué ne suffit pas aux États-Unis, au Canada ou en Australie à assimiler un Japonais et un Allemand. Le Japonais peut être aussi habile que l’Allemand à apprendre un métier et aussi désireux que lui d’entrer dans un syndicat, pourtant il peut être légitime pour un syndicat d’accepter l’Allemand et de refuser le Japonais. Car, à l’usage, on s’aperçoit que l’ouvrier en soi n’existe pas, qu’avant d’appartenir comme ouvrier à une classe, on appartient comme homme à une civilisation ; or la civilisation japonaise et la civilisation européenne n’ont pas jusqu’ici développé chez leurs individus les mêmes besoins. Et pour un Blanc syndiqué, laisser entrer dans son syndicat un Jaune qui gagnera les mêmes salaires que lui mais qui pourtant n’aura pas les mêmes besoins que lui, c’est accroître le danger de concurrence.

Ce qui aux syndiqués d’Amérique semble nécessaire et juste, apparaît comme une mesure d’exception aux syndiqués d’Europe, car ils n’admettent pas que la différence de civilisations et de races détermine entre deux hommes un écart tel que la politique syndicale d’Europe ne suffise à le combler. Avant de songer à régler le conflit économique entre Américains et Japonais, comme s’il ne s’agissait que d’un conflit de travail entre ouvriers d’Europe, il faut apprécier la force et la valeur de la notion de race.