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les indigènes, — il s’agit surtout de l’aristocratisme syndical d’Europe, que renforce la prospérité américaine[1].

— Mais, répondent les Japonais, nous n’accepterons pas toujours de travailler à vil prix ; nous sommes tout disposés à gagner de gros salaires, et à respecter le tarif des syndiqués américains. — Il n’en seront que plus dangereux, répliquent les Yankees. Comme ils conserveront leur régime de vie qui coûte deux ou trois fois moins, ils économiseront ainsi deux ou trois fois plus que l’ouvrier américain. À travail égal, ils acquerront vite, grâce à leurs économies, une puissance sociale supérieure à la sienne ; à moins encore que ces patriotes ne se hâtent d’envoyer dans leur Japon tout l’argent qu’ils auront drainé aux États-Unis.

Pour des Américains, fiers de leur civilisation parce que grâce à d’énormes richesses naturelles, à la politique protectionniste[2] et à l’effort d’invention

  1. En 1907, les travailleurs japonais, qui protestent contre les restrictions mises à l’immigration japonaise aux États-Unis, ont exigé de leur gouvernement que les travailleurs chinois fussent exclus du Japon. Dans les deux cas c’est le même effort pour défendre un taux de salaires contre des concurrents moins exigeants. Et le trouble apporté au marché du travail américain par les 50 000 Japonais de Californie est beaucoup plus grave que la concurrence de quelques centaines de Chinois au Japon. Or le gouvernement japonais a accepté de payer ses nationaux sur les chantiers de chemin de fer, le double de ce qu’il paierait des Chinois. Comme le gouvernement américain, il croit utile de protéger ses travailleurs sur son territoire.
  2. Ces Américains, les plus choyés des syndiqués blancs, se trouvent en Californie face à face avec leur pire ennemi : « We on this side of the Pacific are the vanguard of the civilization of Republic ; as sentinels we look across the Pacific to the reservoir of cheap labor ». Contre les Japonais qui vivent de riz et de poisson séché et qui ne connaissent pas notre confort, comment nous