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Non seulement les Jaunes ne sont pas syndiqués et menacent les salaires de ceux qui le sont, mais encore il ne servira jamais de rien qu’ils le deviennent, si grand restera l’écart entre les salaires et les jouissances qu’ils rêvent et les salaires et les besoins qu’ont dès maintenant les Blancs syndiqués, soit que ces Jaunes aient un tempérament physique moins exigeant, soit que, jusqu’ici, ils aient été moins gâtés que les Blancs par leur civilisation, soit que leur nomadisme et leur espoir de retour au pays, fortune faite, resserrent leurs besoins tout le temps que dure leur exil. Dans l’Ouest américain, c’est un heurt entre la main-d’œuvre la plus ambitieuse du monde, la plus exigeante par ses besoins, la plus aristocratique de manières, la plus gâtée de hauts salaires, — et une main-d’œuvre humble, résistante, très capable et pourtant moins exigeante que la plus basse main-d’œuvre d’Europe. Et voilà pourquoi les Slaves de Pittsburg ou de Boston sont encore mieux traités par les syndiqués américains que ne le sont les Japonais de San Francisco.

Les Russes, le long du transsibérien ou du transmandchourien, traînaient en pousse-pousse des Chinois. Comme ils représentent une des plus basses valeurs du travail européen, le contact avec les Jaunes leur est aisé. L’Américain, lui, se pique de représenter la plus haute valeur du travail blanc, et c’est ce qui lui rend insupportable le contact d’un concurrent jaune. Dans l’opposition des Californiens aux Japonais, il ne faut donc pas seulement chercher le mépris général que témoignent les Anglo-Saxons à toute race qui n’est pas la leur, — le mépris des fonctionnaires anglais des Indes et de Hong-Kong pour