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car ils n’y datent que de cinq ou six années, alors qu’ils ont commencé voilà vingt ans aux Hawaï ; mais comme les immigrants japonais en Californie viennent des Hawaï où ils ont fait un séjour, ils arrivent déjà dégrossis et leurs progrès seront plus rapides.

Ils commencent de s’insinuer dans l’industrie des store-fixtures : meubles de magasins, comptoirs, décorations d’intérieurs[1]. Mais comme ils pratiquent surtout les métiers où ils peuvent tenir boutique, les plus acharnés contre les Jaunes, ce sont les petits artisans, les petits boutiquiers, blanchisseurs, restaurateurs, barbiers, tailleurs. Presque tous les savetiers sont des Japonais ; ils sont aussi barbiers, blanchisseurs, teinturiers, marchands de légumes, clerks dans les magasins et domestiques chez les particuliers ; dans les saloons, ils remplacent les Chinois

  1. En Australie, à Melbourne, Sydney, Adélaïde, c’est aussi dans l’industrie du meuble que les Chinois sont les plus redoutables concurrents des ouvriers urbains. En 1880, il y avait à Melbourne 66 Chinois charpentiers et ébénistes ; en 1889, 45 fabriques chinoises de meubles employaient 584 ouvriers. Les premiers Chinois qui travaillèrent le bois en Australie vendaient à leurs compatriotes des boîtes pour envoyer de l’or en Chine ; ils se mirent à faire des chaises, puis des tables de toilette, puis le mobilier courant ; ils copièrent les modèles d’Europe et fabriquèrent des pièces présentables et très bon marché que les Européens achetèrent. On songea pour arrêter ce commerce, à exiger que ces meubles fussent vendus avec une estampille chinoise. Mais un marchand déclarait : « Si cela fait une différence de 5 p. 100 le client prend l’article chinois… C’est le prix qui décide… Quant au patriotisme, cela n’a rien à faire avec le commerce des meubles qui est une affaire de poche, pocketism. » La concurrence chinoise a réduit les Européens de même métier à un salaire de famine, et plusieurs Européens se mirent à travailler pour des Chinois : le salarié jaune a donc réussi à absorber le capital européen. Cf. Bulletin of the Bureau of Labor, n° 56. January 1905. Washington.