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Les Blancs, après tout, ne leur veulent pas de mal : ces Nègres, vus de loin, dans une attitude soumise, un peu courbée, ce sont de braves gens, avec d’assez bons instincts ; mais quand ils se risquent à venir sur le même plan que les Blancs, et d’y respirer, d’y vivre coude à coude, c’est intolérable. Il faut leur donner le sens des distances, et cela dans leur intérêt, puisque they don’t keep their place.

Si l’on ne peut se passer d’Asiatiques sur la côte du Pacifique, il n’est personne en Californie qui ne préférerait exclure les Japs et rappeler les Chinois. Jean le Chinois a l’avantage de s’être fait oublier depuis vingt-cinq ans que la loi l’exclut : maintenant que les Japs viennent en grand nombre, prudemment il passe au second plan. Aussi recommence-t-on à parler de ses qualités, pour en accabler le Japonais. Jean est modeste ; il est satisfait, même relégué dans d’humbles besognes. Jean est l’honnêteté même : comme salarié ou comme marchand, il tient sa parole et respecte sa signature. Domestique, si, chez un célibataire surtout, sans la surveillance d’une femme, il peut agir à sa tête, c’est un automate bien ajusté, bien huilé et qui fonctionne silencieusement.

Le Japonais est beaucoup plus craint en Californie que le Chinois. Il est plus souple, plus désireux d’apprendre un métier, et de s’élever à de hautes situations. Comme serviteur, il ne s’attachera pas à votre foyer, à votre famille : il vous quittera au bout de quelques jours, subitement, non sans avoir pris la précaution de réserver la place pour un de ses parents ou amis qu’il doit vous adresser. Peu modeste d’allures, il ne se laisse pas faire ; énergique à la riposte, il n’a pas la patience du Chinois, souffre-