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le marché du travail, on voudrait les neutraliser avec des Chinois ou des Blancs, en Californie c’est avec les Japonais, qui n’y sont encore qu’une minorité, qu’on voudrait abattre la tyrannie des unions.

C’est que l’exigence et l’intolérance des unions est actuellement la grave, l’urgente question en Californie. La population est tellement exaspérée que contre les unions toutes les récriminations journalières se tournent. La vie est chère ? — les unions. La cheminée fume ? — les unions. Les domestiques sont inconvenants ? — les unions. Les unions, toujours les unions ; c’est la manie, le hobby du jour. Chacun à sa petite histoire à raconter.

Un citoyen profite de son après-midi du samedi pour faire à sa propre maison quelques réparations ; un membre d’une union s’approche qui le somme de quitter l’ouvrage, sous peine de boycottage. Le citoyen cède, par force. Plombiers, maçons, plâtriers, groupés en syndicats très forts, n’admettent qu’un certain nombre d’ouvriers dans leurs unions, de sorte qu’un plombier de Stockton, venant à San Francisco, ne pourra pas y travailler, si habile qu’il soit et quelque besoin que l’on ait de lui. Les travaux de reconstruction de la ville en sont retardés. Aussitôt après le tremblement de terre et l’incendie, il y eut un bel élan de courage et l’on vit grand : c’était à qui se réjouirait que, grâce à ces fléaux, San Francisco dût se relever plus monumentale. Mais le coût du travail est exorbitant : avec leurs payes de 7 ou 8 dollars par jour, les plombiers gagnent plus qu’un professeur d’université. Les grands plans coûteraient trop cher à exécuter ; en mai il y eut une grève violente et sanglante des employés de tramways, des