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particuliers que chaque cultivateur en ait sa juste pari, quelque éloignée des montagnes que soit sa ferme.

Il faudra de longues années, beaucoup de travaux scientifiques et d’interrogatoires ; mais dès maintenant il résulte de cette enquête officielle que, au lieu d’une culture extensive, aux nobles allures, sur des estates vides où l’on peut promener sans fin son regard, c’est une culture intensive qui convient en Californie, avec de petites fermes où le travail se concentre et s’occupe de détails[1]. Plutôt qu’une ambitieuse saisie à l’américaine, d’espaces énormes, c’est une œuvre de goût et d’art qui aménagera cette terre : ingénieusement sollicité et soigné, chaque acre de ce sol qui peut porter tant de cultures diverses répondra grassement, joliment à la volonté des hommes qui de près l’aimeront. Il lui faut une culture à la française ou à la japonaise[2] ; il lui faut des races paysannes,

  1. Frank Norris oppose ainsi à la culture californienne représentée par Magnus Derrick la culture du Middle-West représentée par la femme de Derrick :

    « Elle se rappelait son enfance, passée sur une ferme dans l’Ohio — cinq cents acres, heureusement partagés en eau, pâturages, en champs de maïs, d’orge, de blé, où l’on avait ses aises, son confort, où l’on se sentait chez soi. Les fermiers aimaient leur terre, la caressaient, la cajolaient, la nourrissaient comme si elle eût été un être conscient. Les semailles s’y faisaient à la main, une charrue à deux chevaux suffisait à toute la ferme ; la faux coupait la moisson, et le grain était battu au fléau. Aujourd’hui, ce ranch borné seulement par les horizons, d’un seul tenant à perte de vue, principauté gouvernée par le fer et la vapeur, et qui produisait 350 000 bushels, cette terre où le blé levait même quand elle n’était ni labourée, ni hersée, ni semée — tout cela la troublait… 10 000 acres de blé, rien que de blé, cela l’étourdissait un peu. »
  2. Les Italiens aussi réussissent en Californie. Ils y cultivent un cru de Chianti.