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débordent et aussitôt elles sentent contre leurs murs de protection les vagues qui viennent battre. La digue est étanche, et sans cesse on la renforce, mais tiendra-t-elle contre la violence du ressac et contre l’infiltration lente ?

Si unanimes et si justifiés que soient les motifs de l’antijaponisme chez tous les Blancs riverains du Pacifique, il garde chez tous une commune faiblesse : le monde appartiendra en définitive à ceux qui le mettent en valeur ; le seul moyen sûr que l’Australie, la Colombie britannique et la Californie aient de rester des terres exclusivement réservées aux Blancs, c’est de se couvrir de Blancs. Or l’Australie, quinze fois grande comme la France, n’a pas quatre millions d’habitants, la Colombie britannique, plus d’une fois et demie grande comme la France, n’a pas 200 000 habitants, et la Californie, grande comme les trois quarts de la France, n’en a pas 1 600 000. Dans ces trois pays la natalité est faible et aucun d’eux n’essaye sérieusement d’encourager la venue d’étrangers. Au surplus, tous trois sont éloignés des pays européens d’émigration : la mer et les déserts qui les ceignent en font des coins reculés ou l’esprit est très insulaire : les gens y sont satisfaits d’eux-mêmes, prétendent se suffire, menacent de sécession le gouvernement fédéral du Canada, ou des États-Unis ou le gouvernement de Londres, s’il ne se montre pas disposé à adopter toutes leurs idées, à épouser leurs querelles[1], alors qu’au contraire il conviendrait qu’ils

  1. « À quoi me sert la flotte anglaise, déclare un Australien, si la seule guerre qui m’intéresse est la guerre qu’elle ne fera pas ? Pourquoi m’exposer à risquer la guerre, disons avec l’Allemagne, si l’Empire refuse de risquer ma guerre avec l’Extrême-Orient ? »