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n’avons rencontré que deux écoles… L’inspecteur du comté m’a dit qu’elles n’étaient fréquentées que par 15 enfants. Ces propriétés possédées par des étrangers, ces fermes louées, ces maisons vides, cette population éparse sur un pays si riche de possibilités témoignent d’un défaut fondamental dans l’économie. Quelle différence avec ce que nous avons vu, le mois d’avant, dans une vallée irriguée de l’Utah ! Sur une distance de 15 milles, le long de Cottonwood creek, il n’y avait pas de ferme de plus de 30 acres. Les maisons et les granges indiquaient plus de confort et de prospérité que les fermes dix fois plus grandes de la Sacramento Valley. Ce district de l’Utah avait plus de 300 habitants au mille carré ; ce district de Californie n’en a pas 10. Les terres dans l’Utah valent de 50 à 160 dollars l’acre ; les terres de Californie valent de 10 à 40 dollars. Tous les avantages naturels sont en faveur de la Californie ; mais le district de l’Utah est irrigué ; l’autre ne l’est pas[1].

La leçon est claire : l’avenir de la vie rurale en Californie dépend de l’irrigation ; il faut que les grands domaines à peu près vides soient remplacés par des homes de 10 ou 20 acres ; que les céréales qui s’accommodent le moins mal de la sécheresse cèdent les champs à l’assollement, à des cultures variées, à des vignes, à des jardins, à des vergers, à l’élevage du bétail. Sur la terre humectée, récoltes et populations pousseront denses.

Mais jusqu’ici les Américains, gâtés par la nature, ont été accoutumés à gâcher plutôt qu’à prévoir ; ils ont plus compté sur la richesse de leur sol que sur la sagesse des institutions pour mettre en valeur leur pays. Or la « civilisation dans l’Ouest aride exige de tout fermier autant de science que de travail : la valeur du home y dépend plus des institutions que

  1. Op. laud., pp. 29 et 31.