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conscience de l’humanité. Proximité des pays et fréquence des relations ; intérêt passionné qu’ont témoigné de longue date les Américains pour le mystère extrême-oriental ; présence de Japonais dans les universités californiennes, qui par leurs riches donations attireront de plus en plus des maîtres renommés, — tout permet d’espérer, sous ce ciel clément, une Renaissance de la pensée occidentale au contact de la civilisation d’Asie.

En attendant, qui ne voit que le problème immédiat est autre et qu’avant de philosopher en Californie, en Australie, en Colombie britannique, il faut vivre ? Or c’est le refus des Blancs d’y vivre côte à côte avec des Jaunes, qui présentement crée le conflit. Il ne tient pas à une ignorance des Anglo-Saxons, ni à leur inintelligence d’une nouveauté de croyances ou d’idées ; car il résulte de la rencontre dans l’ouest et le sud du Pacifique de deux classes de travailleurs, jaunes et blancs, que des tâches communes rapprochent et que pourtant leurs standards of living, leurs idées morales, sociales, politiques séparent. Et l’on aboutit à cette contradiction : tandis que les penseurs et les amateurs de Londres ou de Boston, les plus acharnés à nier le péril jaune, se montrent tout disposés à concilier l’Orient et l’Occident dans leurs philosophies où dans les vitrines de leurs collections, en mêlant les idées bouddhiques aux idées chrétiennes et en plaçant des grès japonais ou des porcelaines chinoises à côté de statues grecques et de saxes Louis XV, les Anglo-Saxons d’outre-mer, au Canada, en Californie et en Australie sont les plus acharnés à crier au péril qui menace leur vie de chaque jour. C’est que pour eux il s’agit non pas d’harmoniser avec goût dans des