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nouveaux venus sont lancés indistinctement parmi cette foule tumultueuse d’insensés, et de temps en temps on les montre comme des bêtes curieuses au premier rustre qui veut bien donner six liards pour les voir. Avec un traitement pareil, faut-il être surpris si de légers accès d’aliénation dégénèrent en paroxysmes de fureur, si de fou on devient enragé ! »

(Observations d’un voyageur anglais sur la maison de force appelée Bicêtre. Imité de l’anglais par le comte de Mirabeau, 1788.)
§ III.

Enfin Pinel vint… Il lui était réservé de faire rentrer dans le domaine de la médecine le soin de ces malheureux que jusqu’alors on avait traités comme des coupables. Une volonté ferme et persévérante, un immense désir de bien faire le soutenaient dans la pénible tâche qu’il s’était imposée. Nommé médecin de Bicêtre dans les derniers mois de 1792, il venait d’y voir un horrible massacre et les atrocités d’une populace déchaînée. C’est le 3 septembre que l’hospice fut envahi « par ces brigands, sous prétexte de délivrer des victimes de la tyrannie qu’elle cherchait à confondre avec les insensés. » Ils couraient de loge en loge pour interroger les détenus : ils en délivrèrent quelques-uns. Il raconte comment l’un d’eux, qu’ils s’obstinèrent à déchaîner malgré les avis du surveillant, une fois rendu à la liberté et au milieu de cette foule qui hurlait autour de lui, s’empara d’un sabre et se jeta en furieux sur ceux qui se trouvaient à ses côtés.