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LA CHASSE AUX LIONS

En même temps, ayant emmanché sa baïonnette, il se mit en garde pendant que je grimpais : le pied droit en arrière, le pied gauche en avant, le fusil fortement appuyé sur la cuisse, — en garde contre la cavalerie !

Juste au même moment, la lionne fit un bond et sauta sur lui. J’étais à peine debout sur une des grosses branches du chêne quand, me retournant, je vis le choc.

Ah ! la mauvaise bête ! Elle bondit de façon que sa gueule allait arriver à la hauteur de mon pauvre Pitou. Si elle lui avait attrapé le nez, c’était fait de lui. Jamais plus il n’aurait pu se moucher sur la terre ! à peine un jour, plus tard, dans le ciel où nous ressusciterons avec nos enveloppes corporelles, comme dit M. le curé.

Mais Pitou, c’était Pitou ! un bleu et lui, ça n’a jamais fait la paire !

Comme elle avançait sa gueule et ses quarante dents, il avança, lui, sa baïonnette, en appuyant son pied droit et la crosse de son fusil contre le tronc du chêne, de sorte qu’il ne risquait pas de tomber. De la pointe de son outil il lui piqua le mufle, et si fortement qu’il lui cassa deux dents de devant. Elle se rejeta en arrière et retomba sur le chemin en poussant un rugissement affreux.

Après tout, c’était sa faute à elle : pourquoi l’avait-elle attaqué ? car c’est la lionne qui attaquait Pitou, ce n’est pas Pitou qui attaquait la lionne. Pitou est un bon enfant qui ne veut pas de mal à personne et qui rirait volontiers un brin avec les amis ; mais là il ne s’agissait pas de rire. Elle grognait, elle grinçait des dents, elle rugissait, elle mordait, celle-là ! Elle aurait pu faire un malheur si Pitou n’avait pris garde.

Mais il prenait garde ! Oh ! il n’y a pas comme Pitou pour se mettre en garde contre l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie, les lions, les sangliers, les tigres, les hippopotames et les bombes ! Avec sa baïonnette, il fait tout ce qu’il veut ; s’il voulait, par saint Médard ! il empêcherait la pluie de tomber sur son shako. Il ne me l’a jamais dit, mais j’en suis sûr.