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LA CHASSE AUX LIONS

Mais Pitou était prêt. Il s’était à moitié caché derrière un chêne nain et abaissait son fusil dans la direction du lion, qui n’était qu’à trois pas et ne pouvait pas le voir. Il me fit signe de la main de monter sur le rocher en face de lui.

J’y pensais. Je remis mon fusil en bandoulière et je commençai à grimper. Ah ! comme on grimpe dans des moments pareils ! les écureuils, voyez-vous, ne vont pas plus vite : mes ongles s’accrochaient au rocher comme des griffes. Je pensais entre moi :

« Pourvu que Pitou ne perde pas la tête ! »

Tout à coup, comme j’arrivais sur le haut du rocher et je m’accrochais au chêne pour ne pas retomber, voilà que je me sens tiré fortement en bas par le bas de ma capote. C’est ce gueux de lion qui, malgré sa patte cassée, avait eu la force de sauter sur moi et qui m’avait attrapé avec les dents. Par bonheur, il croyait tenir ma chair et ne tenait que ma capote. Par l’âme de mon saint patron l’archange Michel, j’eus une belle peur à ce moment-là ! Je criai à Pitou : « Tire donc ! mais tire donc ! »

Il n’était que temps, car le lion tirait de son côté, mais avec ses dents, et si fort que ma capote allait le suivre et m’entraîner avec elle. Vous voyez comme nous étions tous les quatre : j’étais accroché au chêne sur le haut du rocher, le lion était accroché à ma capote, et Pitou nous regardait et visait de l’autre côté du chemin.

À la fin, quand il se crut sûr de son coup, il fit feu. Au même instant le lion me lâche — ce qui me fit bien plaisir, comme vous pouvez croire — et tombe raide mort sur le chemin, les quatre pattes en l’air. Comme il prêtait le flanc à Pitou, la balle l’avait frappé au cœur. Ça, c’est une chance, comme disait plus tard le capitaine Chambard en regardant le trou de la peau : ça n’arrive pas une fois sur trois cent cinquante.

Alors je pus me retourner et regarder, et je criai dans un transport de joie :

« Toi, Pitou, tu n’as jamais eu et tu n’auras jamais ton pareil ! »

Mais lui me répliqua :