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LA CHASSE AUX LIONS

Ça, c’était bien pensé d’un côté ; mais de l’autre c’était mal raisonné : car en tirant d’un peu loin j’avais la chance de crever un œil au lion ou de lui casser une patte et de le mettre pour quelque temps sur la paille, en supposant que l’affaire n’allât pas plus loin.

Tout à coup, le lion s’arrêta et poussa un rugissement. Ça, c’était pour nous effrayer. Pitou me regarda. Je regardai Pitou. Il me dit :

« Alors, c’est convenu, tu commences ?

— Je commence. »

Et je mis en joue le lion. Dire que j’étais tout à fait tranquille et content comme à la noce, ce serait trop ; mais enfin j’étais bien disposé, ça devait suffire. D’ailleurs, Pitou était là en réserve ; et quand j’ai Pitou à côté de moi, je ne vous dis que ça, mes amis… Pitou, c’est ma cuirasse et mon bouclier.

Cependant le lion ne bougeait pas. Il avait l’air de se consulter avec son épouse. Enfin il se décida et poussa un second rugissement plus fort que le premier. Puis il s’avança lentement sur nous. La lionne, le bourricot et les lionceaux le suivaient à quelque distance. Quand il fut à vingt pas, il s’arrêta encore, nous regarda tous les deux en se battant les flancs avec la queue et rugit pour la troisième fois.

Brrr ! c’était dur à entendre, ce grondement. J’en ai encore mal aux oreilles. Cependant, pour en finir, plutôt que parce que j’étais sûr de mon coup, je lâchai la détente…

Vrai ! il n’était que temps. Le gredin faisait un bond qui aurait dû l’amener sur moi du premier coup. Il s’enleva dans l’air à plus de six pieds de haut et retomba à terre, tout près de moi, sur trois pattes. La quatrième de derrière était cassée. Voici comment :

J’avais bien visé la tête ; mais, comme il s’enlevait au même moment pour bondir, la tête se trouva trop haute pour la balle, qui n’attrapa que le pied. Ah ! mille millions de mitrailles ! quel cri ! on aurait dit trois cents douzaines de chats en fureur qui miaulaient en même temps. Mon fusil était déchargé ; si Pitou n’était pas prêt, je n’avais qu’à faire mon testament.