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LA CHASSE AUX LIONS

C’est comme ça qu’il était toujours, l’ami Pitou. Quand j’avais parlé le premier, il obtempérait subséquemment ; si j’avais parlé le second, il obtempérait encore ; mais alors c’était à mon tour de le désobtempérer.

Je lui dis encore :

« Tiens, Pitou, tu n’as pas d’esprit… »

Il répliqua bonnement :

« Ça, c’est vrai. Qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? »

Alors, pour le consoler, parce que je croyais que ça le rendait malheureux de n’avoir pas d’esprit, je repris :

« Mais ça ne fait rien, je t’aime bien tout de même ! »

Alors Pitou me dit :

« Je l’espère bien, mon vieux Dumanet !… D’ailleurs à quoi ça sert-il d’avoir de l’esprit ? Est-ce que ça tient chaud quand on a froid ? est-ce que ça donne à manger quand on a faim ? est-ce que ça donne à boire quand on a soif ?

— Non, Pitou ; non !

— Est-ce que ça me consolerait si la mère Pitou venait à mourir, ou la petite Jeanne, qui m’a promis de venir avec moi devant le maire et le curé, et de s’appeler madame Pitou aussitôt que mon temps sera fini ?

— Non, Pitou, non !

— Eh bien, alors, pourquoi donc est-ce que ça me gênerait de n’avoir pas d’esprit comme le sergent Lenglumé, qui pourrait gagner sa vie à vendre des calembours dans les foires (trois mille pour un sou à cause de la beauté du papier) ? Est-ce que ça lui rapporte quelque chose ? »

Je répondis :

« Tu te trompes, Pitou ! Il a eu l’autre jour une bonne gifle et un coup de sabre pour avoir dit du sergent Frotté : « C’est le plus frotté de tous les sergents du 7e léger ! » L’autre, qui n’est pas commode, lui a envoyé une gifle de première grandeur, et le lendemain lui a fait un trou de deux pouces de profondeur dans la cuisse droite. Il en a eu pour six semaines à ne pas faire le malin sur un lit d’hôpital… Et voilà ce que