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LA CHASSE AUX LIONS

— Possible ! dit Pitou en roulant sa cigarette.

— Et si, par hasard, il nous attendait et qu’on le tuât, comme on aurait tiré tous ensemble, on dirait que le capitaine Chambard, qui est un malin et qui a une belle carabine à deux coups, et ses amis, qui sont bien armés comme lui, ont abattu le lion, et nous, je veux dire toi Pitou et moi Dumanet, nous passerions pour rien.

— Probable, Dumanet !

— Est-ce que ça peut convenir au fils de la mère Pitou ?

— Jamais de la vie, Dumanet !

— Est-ce que ça ferait plaisir au père Dumanet qu’on vint lui dire que son fils s’est mis en troupe avec cinquante mille autres pour attaquer un brave dans les bois, et qu’il ne l’a même pas tué, mais regardé tuer par le capitaine Chambard ? »

Pitou répliqua :

« Non, ça ne lui ferait pas plaisir, au père Dumanet, pas plus de plaisir que s’il était assis toute la journée sur un cent d’épingles, la pointe en l’air.

— Tu vois donc bien, Pitou, qu’il faut partir sans attendre les officiers !

— Pour sûr !

— Eh bien, partons. »

Et alors nous allâmes chercher Ibrahim.

L’Arabe n’était pas loin. Il finissait de déjeuner d’une soupe que les soldats du 7e léger lui avaient donnée cinq minutes auparavant et s’essuyait la bouche avec la manche de son burnous graisseux et troué.

Quand il nous vit, il se prosterna le visage contre terre en invoquant Allah et criant de toutes ses forces :

« Louange à Dieu, maître de l’univers ! Les infidèles Roumis font de bonne soupe !

— Et, ajouta Pitou, ils n’ont pas peur de la partager avec les fidèles de la tribu des Ouled-Ismaïl, qui sont d’abominables gredins de père en fils. Es-tu prêt à partir, Ibrahim ? »

Il était prêt. Quant à nous, nos fusils étaient nettoyés et chargés avec