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LA CHASSE AUX LIONS

Voyant ça, je fus indigné et je lui criai :

« Holà ! hé ! Ibrahim ! Est-ce qu’ils sont tous faits comme toi dans le pays des Ouled-Ismaïl ? »

Pitou me dit tranquillement :

« Tais-toi donc, Dumanet ? Veux-tu avertir l’autre que nous sommes là ? »

Quant à l’Arabe, il cria du haut de son arbre :

« Visez bien le gueux ! et surtout tâchez de ne pas le manquer et de ne pas attraper mon pauvre bourricot ! il m’a coûté cinq douros, le cher ami ! cinq douros ! cinq douros ! cinq douros ! »

Je crois qu’il pleurait dans le haut du chêne, mais je n’eus pas le temps d’aller voir.

Je dis à Pitou :

« Du train dont ils vont, le lion et le bourricot, nous allons les voir paraître dans trois minutes.

— À peu près, rétorqua Pitou. Si j’avais ma montre, je te le dirais, mais elle est en réparation chez l’horloger de la rue aux Ours, à Paris. »

Je répondis :

« Ça ne fait rien, Pitou… suffit de savoir que ta montre est en réparation : moi, la mienne est au clou, chez un juif d’Alger…

— Au clou ?

— Ou en pension chez le juif, si tu préfères. Absolument comme une jeune personne. Il faudra payer dix francs pour la retirer.

— Dix francs, Dumanet !

— Dix francs, mon vieux Pitou, et il m’a prêté trois francs pour trois mois !

— Oh ! dit Pitou indigné.

— Et quand je pense que le grand-père de ce vieux juif a crucifié Notre-Seigneur Jésus-Christ à Jérusalem, ah ! tiens, ça me fait encore plus de peine de donner mes dix francs… Mais ne parlons plus de ça. Le camarade va venir. Il devrait déjà être là… À propos, je n’entends plus rien. Est-ce qu’il serait déjà occupé à manger le bourricot, là-bas dans le fond ?