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LA CHASSE AUX LIONS

« Comment t’appelles-tu ?

— Ibrahim, de la tribu des Ouled-Ismaïl.

— Eh bien, Ibrahim, qu’est-ce que tu vas faire, maintenant que tu as perdu ta femme et ton bourricot ? »

L’Arabe leva les mains au ciel.

« Est-ce que je sais, moi ?… Ce qu’Allah voudra… Pauvre Fatma ! Pauvre Ali ! Elle m’avait coûté vingt-cinq douros, et lui cinq seulement ; mais il faisait autant d’ouvrage qu’elle ; seulement, elle valait mieux pour le couscoussou. »

Je dis encore :

« Pitou, qu’est-ce que tu as d’argent dans ton sac ?

— Sept francs, Dumanet.

— Les mêmes sept francs que la mère Pitou et sa fille t’envoyèrent le mois dernier ?

— Les mêmes, Dumanet, avec deux portraits.

— Le sien et celui de sa fille ?

— Mais non, Dumanet, mais non ! que tu es bête… Le portrait de Louis-Philippe sur la pièce de cinq francs et le portrait de Charles X sur la pièce de quarante sous.

— Tu regardes donc le portrait de tes rois ?

— Parbleu ! quand j’ai fini d’astiquer, qu’est-ce que tu veux que je fasse ?… J’observe.

— Ah ! tu observes ! Ah ! bigre ! tu ne m’avais jamais dit ça, Pitou !

— Parce que tu ne me l’avais jamais demandé.

— Alors, Pitou, puisque tu es un observateur, tu dois avoir observé que j’ai quelque chose à te proposer. »

Il secoua la tête.

« Dumanet, Dumanet, je me méfie. Toutes les fois que tu m’as proposé quelque chose, c’était un nouveau moyen de nous casser le cou. Te rappelles-tu le jour où tu voulais faire avec moi le tour du Panthéon, à Paris, debout sur la balustrade, qui est à six cent cinquante pieds du pavé ?