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LA CHASSE AUX LIONS

Il serrait les poings et il avait envie de pleurer.

Je lui dis :

« Tu vois bien, Pitou, tu ne pourrais pas vivre si tu étais déshonoré !

— Eh bien, qu’est-ce qu’il faut faire pour ne pas être… ce que tu dis ! »

Je répliquai :

« Pitou, le lion nous attend, c’est certain. La preuve, c’est qu’il ne dit plus rien.

— Eh bien, dit Pitou, s’il veut nous attendre, qu’il attende ! Est-ce que nous sommes à ses ordres ?

— Pitou, mon petit Pitou, encore cinq cents pas hors du village !

— Cinq cents ? Pas un de plus ?

— Je t’en donne ma parole, foi de Dumanet !

— Puisque c’est comme ça, marchons ! »

Et, de fait, nous marchâmes comme des braves que nous étions : car il ne faut pas croire que Pitou, parce qu’il s’arrêtait de temps en temps pour réfléchir, ne fût pas aussi brave qu’un autre. Ah non ! au contraire !… Seulement, comme disait le capitaine Chambard, il n’était pas téméraire. Que voulez-vous ? tout le monde ne peut pas être téméraire ; et si tout le monde était téméraire, la terre ne serait plus habitable, et la lune non plus, parce que les téméraires qu’il y aurait de trop sur la terre voudraient monter dans la lune.

Pour lors, Pitou et moi, nous prîmes le chemin de la vallée et de la montagne. Moi, j’allais en avant comme un guerrier : Pitou, lui, comptait les pas comme un conducteur des ponts et chaussées.

On n’entendait rien. Toutes les bêtes de la nature dormaient ou faisaient semblant de dormir. La lune se levait dans le ciel, derrière la montagne. Pitou, qui avait compté ses cinq cents pas, s’arrêta sous un vieux chêne et me dit tout bas, comme s’il avait eu peur d’éveiller quelqu’un :

« Dumanet, c’est fini. Allons-nous-en. Il n’y a personne. »

Je répondis bien haut :

« Pitou, encore un kilomètre !