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n’avoir pas le temps de l’ajuster, car l’épaisseur du fourré le cachait entièrement.

Heureusement, je reconnus bientôt qu’il devait passer près de moi, mais sans me voir, et qu’il allait tout simplement boire dans la rivière.

Enfin je l’aperçus, mais seulement de profil. Sa gueule était ensanglantée ; il avait l’air satisfait et les jambes écartées, comme un rentier qui va fumer son cigare sur le boulevard des Italiens après un bon déjeuner.

À dix pas de moi, le bruit sec du chien de ma carabine que j’armais parut lui causer quelque inquiétude. Il tourna la tête à demi, m’aperçut à travers un buisson qui nous séparait et s’arrêta pour réfléchir.

Je le suivais de l’œil ; mais pour le tuer d’un coup, il aurait fallu l’ajuster au front ou au cœur et il s’était posé de trois quarts, comme un tigre de qualité qui fait faire son portrait par le photographe.

Quoi qu’il en soit, la divine Providence m’épargna ce jour-là un meurtre déplorable ; car ce tigre, ou plutôt cette tigresse, n’était autre que ma belle et charmante amie, cette douce Louison que vous voyez et qui nous écoute d’une oreille si attentive.

Louison (je puis bien à présent lui donner ce nom) avait déjeuné, comme je vous l’ai dit, et ce