Page:Assollant - Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran, I.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un sujet d’alarme encore plus redoutable était Louison.

Certes, la tigresse était une amie dévouée ; mais son appétit était encore plus grand que son dévouement.

Et qui pouvait le lui reprocher ? Le ventre n’est-il pas, suivant les physiologistes, le maître et le souverain de la nature entière ? Peut-on reprocher à une pauvre tigresse, à peine frottée de civilisation, de ne pas être maîtresse de ses passions et de son appétit, quand on voit tous les jours de très-grands princes, élevés avec soin par de savants gouverneurs et nourris dès l’enfance de la sagesse des philosophes, manquer d’une façon éclatante à tous les préceptes de la morale et de la philosophie !

Corcoran s’inquiétait donc, et avec raison, de l’avenir. Il voyait les yeux de Louison se tourner avec convoitise sur le malheureux Sougriva et il craignait un accident irréparable.

Cependant il n’avait guère que le choix des victimes, car Louison voulait souper à tout prix ; elle s’agitait, elle bondissait sans motif et sans but apparent. Évidemment, elle avait faim.

Enfin Corcoran prit son parti.

« Ma foi, pensa-t-il, il vaut mieux qu’elle soupe d’un Anglais que de ne pas souper du tout ou de souper de mon malheureux ami Sougriva. »