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Il avait peiné au grand soleil, bu le vent, usé ses mains à tirer sur de grosses rames. C’était la vraie vie, la sienne. Celle de ceux du continent il pouvait à présent l’imaginer. Tranquille, douce ? Leurs machines ne marchaient quand même pas seules et ne fallait-il pas les construire ? Facile, sûre, leur existence ? Portails n’avait pas un sou ! Alors, quoi ? Certainement que tout n’allait pas droit dans leur monde ! Il crachait un bon coup ; puis, jambes écartées, les pieds tournés en dedans, planté là comme un mât, il regardait le phare qui fouillait la nuit et la mer.

Quelquefois, le dimanche, un compagnon gardait le cargo. Avec le petit Cazenave, pépé Anton’ partait de grand matin pour la pêche. C’était un jour durant lequel il n’entendrait plus un bruit d’usine et les criailleries de Palau ; il ne respirerait plus une odeur de rouille et ne verrait pas la carcasse triste de l’Andromède. Il pensait, ses yeux Axés sur l’horizon : « Qu’ils y viennent donc, ceux du continent, avec leurs paquebots monstres. Suffit d’une tempête… » Il ricanait. Aussi loin que portait son regard, la mer s’étalait, mouvante, gorgée de vie. Dessus, pas de villes flottantes ! pas de foules ! Quelques barques, avec leurs blanches ailes ouvertes, des pêcheurs dans leur élément — comme des poissons. — Il s’écriait : « Tout ça est à nous ! », et le petit Cazenave lui répondait qu’il finirait aussi dans la peau d’un pêcheur, de quoi pépé Anton’ souriait, car le petit se montrait trop fier de sa famille, de leur fabrique, de leur auto, pour ne pas succéder à son père et prendre toutes les habitudes de ceux de la terre. Et si Tabou était de la partie, pépé Anton’ se tournait vers le gars, simple, peu bavard, qui plongeait et nageait comme un dauphin.

De semaine en semaine, les dimanches devenaient plus longs, plus beaux. Et, le lundi, pépé Anton’, encore plein de sa journée en mer, ne prêtait plus attention aux observations injustes et hargneuses de Palau.

Ah ! en voilà un qui n’aurait pas eu ce caractère de cochon s’il avait aimé l’eau ou leur île — ce qui s’appelle