Page:Asselineau - Le Livre des sonnets.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
le livre


Sonnet




Cependant qu’en la Croix plein d’amour infinie,
Dieu pour noſtre ſalut tant de maux ſupporta,
Que par ſon iuſte ſang noſtre ame il racheta
Des priſons où la mort la tenoit affermie,

Altéré du deſir de nous rendre la vie,
I’ay ſoif, dit-il aux Iuifs ; quelqu’un lors apporta
Du vinaigre, & du fiel, & le luy preſenta ;
Ce que voyant ſa mere en la ſorte s’écrie :

Quoy ! n’eſt-ce pas aſſez de donner le trépas
A celuy qui nourrit les hommes icy bas,
Sans frauder ſon deſir, d’vn ſi piteux breuuage ?

Venez, tirez mon ſang de ces rouges canaux.
Ou bien prenez ces pleurs qui noyent mon viſage.
Vous ſerez moins cruels, & i’auray moins de maux.


Mathurin Regnier.