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VIII
histoire


grandes nations littéraires ſe diſputent l’honneur de ſon invention.

Enfin, je n’ai jamais lu qu’on ſe fût battu pour une Ode, qu’une Élégie eût créé des diſſenſions ; & le Sonnet, comme nous l’apprend Balzac, a partagé la cour & la ville & diviſé la maiſon de France. Le commentaire de Saint-Hyacinthe ſur un couplet de chanſon n’a qu’un volume, & l’on ferait une bibliothèque de ce qui a été écrit, tant en proſe qu’en vers, à différentes époques, pour, contre & ſur le Sonnet.

On ſait que Boileau a dit que le dieu des vers,


Voulant pouſſer à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuſes lois.

Quant à moi, elles ne m’ont jamais paru tellement rigoureuſes, & c’eſt indubitablement à ſa coupe ſi heureuſe — véritable invention de génie — & à la perfection impoſée par ſa conciſion que le Sonnet a dû ſon ſuccès & ſa popularité.

Godeau, évêque de Vence, qui fut un poète diſtingué, allait encore plus loin que Deſpréaux : il prétendait que le règne du Sonnet n’eſt pas de ce monde & niait qu’on en pût faire de parfaits ; il était athée en Sonnet.

Il n’eſt pas douteux néanmoins qu’il ne ſoit fort aiſé d’en faire de médiocres, à voir l’innombrable