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des sonnets


Déſir d’infini




Tous, l’amant qui dans un baiſer verſe ſon âme,
Le grand lis qui jaillit vers le ſoleil levant,
L’oiſeau de mer qui plane & ſe ſoûle de vent,
Le martyr qui ſe jette en chantant dans la flamme,

Le cerf qui, fou de rut, vers les étoiles brame,
Le lion accroupi dans ſa cage & rêvant,
Le poète aſſoiffé de rhythme, le ſavant
Qui dans l’obſcur coït d’un problème ſe pâme,

Tous, un pareil déſir, ſouvent à leur inſu,
Les travaille, &, toujours pareillement déçu,
Il demeure quand même à jamais implacable.

Ô déſir d’infini, malgré tout perſiſtant !
Hélas ! il nous ſoutient autant qu’il nous accable.
On en meurt, & la vie en eſt faite pourtant.


Jean Richepin.