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La Caravane




La caravane humaine au ſahara du monde,
Par ce chemin des ans qui n’a pas de retour,
S’en va traînant le pied, brûlée aux feux du jour,
Et buvant ſur ſes bras la ſueur qui l’inonde.

Le grand lion rugit & la tempête gronde ;
À l’horizon fuyard, ni minaret, ni tour ;
La ſeule ombre qu’on ait, c’eſt l’ombre du vautour,
Oui traverſe le ciel, cherchant ſa proie immonde.

L’on avance toujours, & voici que l’on voit
Quelque choſe de vert que l’on ſe montre au doigt :
C’eſt un bois de cyprès, ſemé de blanches pierres.

Dieu, pour vous repoſer, dans le déſert du temps,
Comme des oaſis, a mis les cimetières :
Couchez-vous & dormez, voyageurs haletants.


Théophile Gautier.