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des sonnets


Sonnet




J’étais un arbre en fleur où chantait ma Jeuneſſe,
Jeuneſſe, oiſeau charmant, mais trop vite envolé ;
Et même, avant de fuir du bel arbre effeuillé,
Il avait tant chanté qu’il ſe plaignait ſans ceſſe.

Mais ſa plainte était douce, & telle en ſa triſteſſe
Qu’à défaut de témoins & de groupe aſſfemblé,
Le buiſſon attentif avec l’écho troublé
Et le cœur du vieux chêne en pleuraient de tendreſſe.

Tout ſe tait, tout eſt mort ! L’arbre, veuf de chanſons,
Étend ſes rameaux nus ſous les mornes ſaiſons ;
Quelque craquement ſourd s’entend par intervalle :

Debout, il ſe dévore, il ſe ride, il attend,
Juſqu’à l’heure où viendra la Corneille fatale
Pour le ſuprême hiver chanter le dernier chant.


Sainte-Beuve.