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XXXII
DE LA BALLADE

Ce fut une Renaiſſance encore, où l’âme poétique de la France ſe reconnut, s’écouta & vibra ſpontanément de ſentiments intimes & humains. Elle parla ; mais le langage de la poéſie, fauſſé, corrompu & comme hydropiſé par l’abus du lieu commun & des analogies, réſiſtait à l’expanſion de ces mouvements libres. Il fallut remettre ſur le chevalet cette langue appauvrie, nouée, ankyloſée. Pour lui rendre ſa ſoupleſſe & ſa vigueur, on la remit au régime du gymnaſe & de l’orthopédie. On la jeta dans tous les moules, depuis la ſpirale des Djinns juſqu’à la ſtrophe en triolet de La Captive. On multiplia les rimes dans Le Pas d’armes du roi Jean. Le paſſé vers lequel on ſe tourna par ſympathie de foi & d’études livra ſes exemples & ſes ſecrets. On reprit à Remy Belleau le rhythme charmant de ſon Avril. Un nouveau Du Bellay rapporta, non plus d’Italie, mais d’Angleterre, le Sonnet recueilli par Woodsworth & de Kirke White,

La Ballade fut négligée, méconnue. Pourquoi ? j’en ai donné des raiſons que l’on jugera.

Pourtant il était juſte que ce gentil poème, ſi français dans ſa grâce malicieuſe, que cette fleur de nos anciens jardins de rhétorique & de plaiſance eût à son tour ſa restauration.